Entre le 22 Juin et le 28 Octobre 2007, c'est déroulé au musée de la Fondation Cartier de Paris, l'une des plus fabuleuse exposition qui n'est jamais été faite sur le Rock n'roll depuis le boogie woogie précurseur du rock de la fin des années 1930's jusqu'a son age d'or qui atteind son paroxisme en 1959. Même si les origines musicale du Rock n'roll tiennent une place importante avec le Boogie Woogie, Gospel, Blues et Jive, la période la plus présente est celle correspondant à la naissance du rock n'roll en tant que style à part entière c'est à dire les années 1950's et plus particulièrement la seconde moitier de la décennie. Mais que trouvait on dans une exposition sur le rock n'roll? Une Cadillac 1953, des Juke box américains de la fin des 1940's et des 1950's dont un que tout visiteur peut faire fonctionner afin d'écouter l'ensemble des 45 tours de rock n'roll fifities qu'il contient, des reproductions fidèles de magazines musicaux pour Teenagers de l'époque que l'on peut feuilleter en écoutant en même temps grâce à des casques des playlists de pur rock n'roll fifties, la reproduction d'un studio d'enregistrements avec tout son matèriel vintage des années cinquantes dans lequel planait l'âme de Buddy Holly, des radios américaines faites en baquellite multicolore, un grande salle ou l'on projetait à intrevalle régulier le film documentaire Rock n'roll the early days (racontant au moyens de vidéos d'époque et de commentaires trés réussis les débuts du Rock n'roll dans les fifties), des affiches de concerts de rock n'roll de l'époque, des vitrines permettant aux visiteurs d'admirer des guitares ayant appartenues à Bo Diddley, Elvis Presley ou Buddy Holly, et une multitude de disques originaux allant de 78 tours Sun records, à des albums 33 tours de Gene Vincent, des vidéos rares de Carl Perkins ou Chuck Berry et des objets et documents autentiques totalement incroyables comme par exemple une des fameuses veste d'Eddie Cochran ou le contrât d'Elvis chez Sun records. C'est pour moi l'un des mes souvenirs les plus incroyables, j'ai cru le temps de ma visite à cette expostion que le jardin d'Eden n'était pas un mythe mais bien une réalité.
Article de Juillet 2007 du site Evene.fr
ROCK’N’ROLL 39-59 A LA FONDATION CARTIER
Interview de Katell Jaffrès
Caroline Bousbib pour Evene.fr - Juillet 2007
Qui a dit que le rock était mort ? A la Fondation Cartier, l’exposition ‘Rock’n’Roll 39-59’, jusqu’au 28 octobre, rallume le courant et bat la mesure au son d’une musique qui n’a pas perdu un volt de son énergie, “around the clock”.
Tel un Grand Ole Opry (grand-messe de la country) virtuel, cette fresque mélodieuse prend des allures de réunion de famille fantasmatique. Une telle communion n’aurait été possible sans l’intervention de passionnés et de connaisseurs, unis pour l’amour du rythme. Au coeur du projet, Katell Jaffrès, co-commissaire de l’exposition, nous dévoile les secrets d’un rêve devenu réalité.
‘Rock’n’Roll 39-59’ est une exposition protéiforme, riche en documents musicaux, archives populaires et souvenirs personnels. Comment êtes-vous parvenus à réunir tout ce matériel et quelle est sa provenance ?
Nous avons fait de nombreuses recherches en France, en Europe, beaucoup aux Etats-Unis. Aussi nous avons été en contact avec des institutions et des grands musées américains, notamment le Rock’n’Roll Hall of Fame à Cleveland et l’EMP à Seattle. Et puis des collectionneurs privés nous ont mis à disposition leurs disques, posters, magazines, “memorabilia”. De même, nous avons dû parcourir plusieurs brocantes pour trouver des disques manquants.
Cette exposition était le rêve de toujours d’Alain Dominique Perrin, directeur de la Fondation Cartier. Avait-il une idée précise de ce qu’il voulait montrer du rock’n’roll ?
L’agencement de l’exposition semble caresser deux attentes : l’une étant didactique, l’autre étant de stimuler en profondeur la mémoire collective, et à ce titre le rock a une résonance très forte. Parlez-nous un peu de cette mise en scène ludique et interactive.
L’exposition se divise en deux parties. Le rez-de-chaussée rassemble des objets, des documents, des photographies qui sont l’expression même du rock’n’roll et de ses codes dans les années 50. On peut voir une Cadillac, des juke-box, la reconstitution d’une régie de studio d’enregistrement. Autant de témoignages techniques, iconographiques de cette époque-là. En bas, le parcours est plus pédagogique. L’exposition a été conçue à partir d’un concept visuel. Nous avons été très attentifs à faire vivre l’héritage, que ce soit dans un circuit chronologique ou d’une manière plus éclatée. Cette exposition est aussi un parcours sonore : tout au long, on peut entendre de la musique, intercepter des extraits de films.
Justement, ‘Rock’n’Roll 39-59’ ne tombe pas dans l’écueil de l’héritage au sens nostalgique du terme. L’interactivité des archives avec les vidéos donne à l’exposition une véritable dynamique. A ce titre, pensez-vous que le rock’n’roll est une chose du passé, ou est-ce une culture encore bien vivante ?
Je crois que le rock’n’roll est une culture emblématique du XXe siècle. Aux Etats-Unis, c’est vraiment de cette manière-là que les gens en parlent. On le ressent moins en Europe car c’est une culture importée en quelque sorte. Avec les années, le rock’n’roll a franchi les frontières américaines, s’est développé, puis est devenu autre chose. Alors non, ce n’est pas une chose du passé. Finalement, on opère juste un retour au fondement des musiques actuelles.
L’exposition insiste sur les conjonctures politiques et sociales qui ont vu naître la culture rock’n’roll, en particulier la réunion des cultures noires et blanches. Alors que les Afro-américains étaient touchés de plein fouet par des mesures ségrégationnistes jusqu’en 1954, le rock’n’roll était-il un enjeu politique ?
Les rockers ont directement participé à lever les barrières entre chanteurs noirs et chanteurs blancs, en particulier Elvis Presleyqui était empreint de musique gospel. Il a vraiment baigné dans cette culture et reprenait des titres originellement interprétés par des chanteurs noirs. Il a métissé cette musique pour la mettre sur le devant de la scène. Il ne faut pas oublier qu’à l’époque, de nombreux chanteurs blancs faisaient des reprises de chanteurs noirs, qu’on appelle des “cover version”. C’étaient des copies adoucies dans leurs rythmiques et dans leurs paroles de chansons créées par des musiciens noirs, mais qui pouvaient choquer l’auditoire blanc. A un moment donné, certains DJ’s dont Alan Freed ont refusé de diffuser ces “cover version” pour privilégier les originaux, plus libérés. Les jeunes ont préféré ces morceaux.
En parlant de postmodernisme, en plus des illuminations de Little Richard, ou l’envergure messianique d’Elvis Presley, le martyr de Buddy Holly, le rock a beaucoup à voir avec la foi. En témoignent ces performances déclenchant des transes, ces vêtements ou ces guitares observés comme des reliques. Est-ce que finalement le rock n’a pas supplanté la religion au XXe siècle ?
Vaste sujet. Peut-être qu’un certain nombre de personnes se reconnaissent à travers cette musique, dans ce qu’elle porte et comporte. En tout cas, elle a été un vecteur de messages. Il est vrai que les jeunes se sont totalement identifiés à la culture que le rock a engendrée. Alors oui cette musique peut être comprise comme une certaine croyance.
Il semblait vous tenir à coeur de montrer les différentes influences du rock’n’roll, entre autres celles du boogie-woogie, du jazz, du rhythm’n’blues, du gospel et de la country. Comment expliquer que ces courants aient fusionné à un moment précis ?
Si l’on se remet dans le contexte des années 40, c’est l’entrée des Etats-Unis dans le conflit mondial à partir de 1941. Après il y a eu la victoire. L’Amérique a bénéficié d’un regain de la production industrielle extrêmement fort qui a entraîné des opportunités d’emploi massives. Il y a eu de grands mouvements migratoires. Ces déplacements de la campagne vers les villes ont favorisé le mélange des cultures.
Le même phénomène observé chez les bluesmen des années 1930, partant en nombre vers le nord, dans la région de Chicago.
Effectivement. Il y a eu aussi un certain nombre d’apparitions techniques, comme l’arrivée du 45 tours et du microsillon, beaucoup moins fragiles et encombrants que le 78 tours. Les jeunes qui commençaient à avoir un pouvoir d’achat, ont pu s'offrir des disques et les écouter sur des pick-up, ou écouter la radio sur des transistors. Ils n’avaient plus à solliciter le poste familial. Ce fut donc une révolution musicale et technique.
Pourquoi alors a-t-on vu le rock’n’roll s’éteindre comme il était apparu ? Etait-il devenu trop commercial, plus assez corrosif ?
La période entre 1950 et 1959 marque probablement l’âge d’or du rock’n’roll. Un certain nombre d’événements ont pressé la fin de cette première étape. Il y a d’abord eu le départ d’Elvis pour l’armée (en 1958). Puis le mariage scandaleux de Jerry Lee Lewis avec sa cousine âgée de treize ans, signant par là le déclin de sa carrière. De son côté, Chuck Berry avait des problèmes avec la loi. C’était la mort de Buddy Holly dans un crash d’avion alors qu’il était en tournée, le départ de Little Richard en religion. Il est devenu pasteur après avoir eu une révélation lors d’un voyage en Australie. Les pionniers disparaissaient progressivement ou momentanément. C’était aussi l’année où le rock’n’roll s’exportait par-delà les frontières : Bill Haley part pour sa première tournée en Angleterre. Alors oui, le moment décisif se situe exactement à la toute fin des années 50.
Avec leur look et leur attitude excentrique, les rockers de cette période 39-59 et le style de la classe moyenne bien proprette sous tous rapports détonnaient franchement. Au-delà des clichés, les rockers étaient-ils de véritables rebelles dans la société américaine d’après-guerre ?
Les musiciens du rock’n’roll se sont libérés d’un certain nombre de conventions, en particulier Elvis dont les déhanchements choquaient systématiquement. Ce n’était pas par provocation mais sa manière de s’exprimer. Il avait intégré l’énergie des chanteurs et danseurs noirs qu’il aimait tant, ce qui lui a permis de développer un style unique. A la télévision, on a même interdit de le filmer sous la ceinture. De même quand on entend les cris de Jerry Lee Lewis sur scène, on lui donne ce côté rebelle. Il allait au bout de son expression.
En parlant de figure originale, Elvis tient une place à part, celle qu’on lui devra toujours : celle du King. Une série de photographies d’Alfred Wertheimer présentes dans l’exposition nous le montre au moment de grâce, dans son intimité, juste avant qu’il ne devienne une star planétaire. Il semble déjà si différent des autres, à quoi tenait son aura ?
Je pense qu’Elvis Presley avait un charisme, une façon unique de capter l’objectif. C’était quelqu’un d’assez timide mais il est parvenu à s’exprimer à travers ses chansons.
Ces photos ont été prises en 1956, avant le succès. C’est toute la beauté de sa personnalité qu’on voit dans ces photos.
Enfin, à titre personnel, dans cette exposition, quelle est la pièce qui vous a le plus étonné, qui vous touche le plus ?C’est l’ensemble des affiches de cette époque. Le graphisme de ces posters de tournées ou de concerts est assez étonnant. Il annonce ce qui va être développé une décennie plus tard avec le Pop Art et son usage des couleurs. Ce sont des affiches très rares, dont certaines sont uniques ou n’existent plus qu’en deux exemplaires. Cet assortiment de documents nous révèle aussi comment les tournées étaient organisées. On voit qu’en tête d’affiche, il n’y a pas forcément que des Blancs. Ces posters sont les témoignages de changements sociaux à travers la musique.
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Article de paris.blog;lemonde.fr de Juin 2007
Expo Rock ’n’ Roll 39-59 à la Fondation Cartier | Typographie de concert
Enfin l’ouverture de l’expo Rock ’n’ Roll 39-59 à la Fondation Cartier. Le site est efficace et la playlist pour nous inviter à partager ce pur moment de bonheur est parfaite. Des posters de concerts, des voitures, des juke-box Wurlitzer et pas mal de photos d’Elvis, Vince et les autres… Voici quelques extraits de l’expo à visiter avant le 28 octobre 2007, c’est demain. Et bravo au graphiste qui a fait l’affiche et le site, c’est remarquablement rythmé. (Quiz: qui c’est?)
Affiche du concert « America’s Greatest Teen-Age Recording Stars » du 19 janvier 1958 à Rochester, New York • Collection David Swartz, New-York • © Photo Sheldan Collins, Spontaneaous Accomplishments, LLC
Jimmie Lunceford • Collection Mitch Diamond of kardboardkid.com, Boston • © Photo • Charles Mayer, Boston • Affiche du concert du 12 février 1939 à Broadway, New-York.
Affiche du concert « Winter Dance Party » du 25 janvier 1959 à Mankato, Minnesota • Collection David Swartz, New-York • © Photo Sheldan Collins, Spontaneaous Accomplishments, LLC
Hank Williams • Collection Pete Howard of postercentral.com • Affiche du concert prévu le 1er janvier 1953 à Canton, Ohio, que l’artiste ne donnera jamais. Il meurt à l’arrière de la Cadillac qui le mène au concert, victime d’un excès d’alcool et de médicaments.
Little Richard, Affiche du concert du 6 août 1957 à Louisville, Kentucky • Collection David Swartz, New-York • © Photo Sheldan Collins, Spontaneaous Accomplishments, LLC
Juke-box Wurlitzer 1100, 1948 • Collection privée, Alfa Juke-Box, Paris • © Photo : Patrick Gries, Paris
Guitare de Buddy Holly, 1943, Gibson J-45 Guitar • Première guitare de Buddy Holly – cuir personnalisé à la main par Buddy pour imiter le cuir de la guitare utilisée par Elvis Presley. • Collection de Buddy et Maria Elena Holly, sa veuve, de 1943 à 1990 • Photographe: Tim Henegan • Collection: Michael J. Malone, Seattle, WA
Sun 78 RPM of Elvis Presley’s Recording Sun Records • Date de sortie : 1955 • © Sun logo is a trademark of Sun Entertainment Corporation • Used by permission
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Article de Juin 2007 Etapes.com de Cathy Lecruble
Affiches, disques, objets, photographies, films et musique des années 1939-59 sont au rendez-vous de l'exposition Rock'n'Roll à la Fondation Cartier. En deux parties, l'exposition s'attache autant à la généalogie du Rock qu'à l'esprit de liberté et de rébellion de l'époque qui lui sont associés par le biais d'événements marquants et de protagonistes du mouvement. Témoin des années rocks des objets uniques comme une guitare de Buddy Holly, une veste du King, un mur de jukebox, une Cadillac ou encore la reconstitution d'un studio d'enregistrement typique années 50 s'étalent dans la galerie. Des photographies d'Elvis Presley prises par Alfred Wertheimer et le film « Rock And Rock : The Early Days » de Pamela Page et Patrick Montgomery agrémentent le tout. Les évolutions sociales, culturelles, politiques et artistiques de l'époque sont aussi représentées par le biais de figures emblématiques telles que Martin Luther King, Marlon Brando, James Dean et Jackson Pollock.
Guitare d'Elvis Presley
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Claude Chastagner
, « Rock’n’Roll 39-59 », Transatlantica , 2 | 2007 , mis en ligne le 21 janvier 2008. URL : http://transatlantica.revues.org/1902
Une Cadillac des années cinquante, une poignée de micros vintage, une demi-douzaine de postes de radio en Bakélite, trois guitares, quelques juke-boxes Wurlitzer, Seeburg et Rock-Ola, une projection vidéo d’une quinzaine de minutes, des dizaines d’affiches, de photos, de magazines et de 45 tours sous vitrine... Tel est l’inventaire sans surprise de la dernière exposition en date sur le rock. Sans surprise : la plupart des expositions ou des musées consacrés à la musique populaire, au rock en particulier, n’ont que rarement réussi à dépasser la simple accumulation de documents visuels et sonores.
2Soyons honnêtes, les commissaires (Alain Dominique Perrin et Gilles Pétard) et scénographes (Nathalie Crinière et Eve-Marine Basuyaux) de l’exposition ont fait des efforts. Le sous-sol du bâtiment accueille une vaste fresque murale, qui retrace de façon chronologique les grandes étapes et les styles principaux, extraits sonores à l’appui (mais il faut bien du courage pour rester debout devant les panneaux pédagogiques à écouter, pressé par la foule, les explications diffusées par un casque au fil trop court pour pouvoir ne serait-ce que s’accroupir). Une élégante carte murale illustre les origines géographiques du rock’n’roll et une arborescence sonore en explore la généalogie musicale. Par ailleurs, les postes de radios sont bien jolis, on peut faire fonctionner un des juke-boxes et la Cadillac fait rêver... Mais est-ce bien suffisant pour 7,50 € ?
3La vidéo diffusée sur écran géant dans une salle où se retrouvent, allongés à même la moquette, parents et enfants dans un sympathique brassage générationnel, malgré d’indéniables qualités pédagogiques, reprend sans le remettre en question le sempiternel récit de la naissance et de la mort du rock’n’roll, confortant les lectures linéaires et univoques et évacuant les complexités et subtilités propres à tout mouvement culturel. Sur l’écran, les extraits d’émissions de télévision, de films grand public et de documentaires se télescopent, leurs différences nivelées, de sorte qu’il devient impossible d’établir une distinction entre réactions spontanées et mises en scène soigneusement orchestrées. La plupart des extraits sonores proposés se contentent paresseusement de débiter les grands succès des artistes les plus connus, sans véritablement chercher à faire découvrir des titres moins rabâchés de leur discographie ou des artistes plus obscurs.
4La seule originalité de cette exposition, c’est son bornage historique. Si 1959 correspond à la date communément admise comme la fin de la période rock’n’roll, 1939 est une suggestion plus intéressante qui nécessite de prendre en compte les origines africaines-américaines du genre, quinze ans avant que le succès d’Elvis ne l’impose à l’Amérique mainstream. Il faut également citer les émissions de radio ou les séances d’enregistrement dont les amateurs ont souvent entendu parler mais difficiles à se procurer. Il y a ainsi une certaine émotion à entendre la voix du DJ Alan Freed, l’inventeur de l’appellation « rock’n’roll », ou le célèbre débat entre Jerry Lee Lewis et son producteur Sam Phillips lors de l’enregistrement de « Great Balls of Fire » sur le caractère blasphématoire du morceau.
5De telles expositions soulèvent deux types de questions. Les premières sont d’ordre esthétique. Elles ont trait à la spécificité du médium : que faire de la musique populaire dans une salle d’exposition ? Les secondes portent sur leur fonction, sur les intentions de leurs concepteurs, entre démarche pédagogique, volonté de célébration et intérêts économiques.
6Comment fait-on entrer de la musique dans une exposition ? Quels rapports le visuel et le sonore entretiennent-ils ? Comment montrer ce qui s’écoute ? La plupart des musées et des expositions offrent des réponses similaires et présentent sous cloche, soigneusement étiquetées, des collections de souvenirs, instruments, pochettes originales, photographies et objets divers ayant appartenus à des musiciens célèbres (de leurs vêtements à leurs voitures), le tout agrémenté de vidéos de concerts, d’extraits d’émissions de télévision et d’interviews.
7La focalisation sur l’objet trahit une réification systématique de la musique. Au-delà de la possibilité d’écouter des enregistrements ou de visionner des extraits de films qu’il est de toute façon aisé de se procurer par ailleurs, la musique est réduite à ses traces matérielles. Ces traces sont supposées être par elles-mêmes expressives et évocatrices. Leur présentation procède rarement d’une réflexion sur la signification de leur juxtaposition, des dissonances qu’elles pourraient susciter avec l’œuvre musicale. L’accrochage est effectué selon les modalités d’une muséographie dénuée d’imagination : vitrines de verre pour les objets, cadres pour les pochettes, parcours chronologiques ou par style.
8La réflexion sur les rapports entre le visible et le sonore, entre l’image et le son n’est pas engagée. Rien n’est dit sur le fonctionnement métaphorique, métonymique ou ironique du rock, les procédés de déplacement ou de condensation qu’il utilise. Pas de remise en question de l’attachement émotionnel qui se forme entre le fan et la star, entre le fan et l’instrument. Rien non plus sur la place de la synesthésie, le lien entre forme et son, l’impact de l’objet sur la mémoire musicale, le sens de la perte lié aux technologies de reproduction. En définitive, ces présentations ne diffèrent guère de ce que peuvent offrir les Hard-Rock cafés ou les Dick Clark restaurants.
9La question qui se pose par ailleurs est celle de la fonction de ces expositions. Est-elle d’éduquer ou de vulgariser ? De distraire ou de préserver ? A qui s’adressent-elles ? Aux amateurs éclairés ou aux touristes culturels ? A l’élite ou à la masse ? Faut-il viser le plus petit dénominateur commun ou risquer l’exigence ?
10Loin d’apporter des éléments de réponse à la question de la pertinence de la représentation de la musique et des modalités de sa mise en espace, l’exposition de la Fondation Cartier n’envisage même pas qu’il existe de telles questions. Au bout du compte, le principal intérêt de l’exposition, ce sont les nombreuses photos sur l’Amérique de l’immédiat avant- et après-guerre qui y sont exposées, en particulier la superbe collection Alfred Wertheimer consacrée à Elvis en 1956. Mais ne quittons-nous pas précisément ici le domaine de la musique, avec les difficultés propres à sa mise en scène, pour entrer dans celui mieux maîtrisé d’une classique exposition d’œuvres d’art ?
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Texte de Irma.asso.fr
Rock’n’roll 39-59
La Fondation Cartier pour l’art contemporain présente à Paris du 22 juin au 28 octobre Rock’n’Roll 39-59, une exposition consacrée à la genèse du rock’n’roll aux États-Unis.
où l’on pourra admirer des affiches d’époque, des disques, des objets, des documents photographiques et audiovisuels rares et (re)découvrir ainsi les prémices du "terrible" rock’n’roll aux Etats-Unis.
Le site de la Fondation Cartier
Présentation :
La Fondation Cartier pour l’art contemporain présente du 22 juin au 28 octobre 2007 Rock’n’Roll 39-59, une exposition consacrée à la genèse du rock’n’roll aux États-Unis. Puisant ses origines dans la musique noire des années 1940, le rock’n’roll trouve son apogée avec Elvis Presley et sort des frontières des États-Unis à partir de 1956. Mais dès la fin de la décennie, l’incarcération de Chuck Berry, la mort de Buddy Holly et l’apparition de pâles copies commerciales des premiers rockers en signent déjà le déclin. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le rock’n’roll est le miroir d’une société en plein changement, se libérant du carcan de la ségrégation raciale. Des hurlements de Little Richard à la furie spectaculaire de Jerry Lee Lewis, de la sensualité d’Elvis Presley aux rythmes déjantés de Chuck Berry, le monde n’a plus jamais été le même après la naissance de ce nouveau genre musical. L’exposition, divisée en deux parties, nous entraînera dans un voyage sonore et visuel au coeur de ce phénomène musical transgressif. Une première partie s’attachera à retranscrire l’hédonisme et le formidable élan de liberté qui ont été au coeur de l’explosion du rock’n’roll au milieu des années 50. Conçue comme un parcours historique, une seconde partie nous fera connaître les origines de cette musique et nous guidera à travers l’histoire de ses principaux protagonistes. À travers des affiches d’époque exceptionnelles, des disques et objets rares, de la photographie, de l’image en mouvement et bien sûr à travers la musique et le son, cette exposition invite à revivre ce phénomène culturel fondateur de l’histoire américaine, véritable écho d’une société en pleine mutation.
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Article de artscape.fr
Rock’n'Roll, 39-59
Jusqu’au 28 octobre 2007
Fondation Cartier pour l’art contemporain, 261, boulevard Raspail 75014 Paris, 01 42 18 56 50
Bill Haley, Bo Diddley, Little Richard, Chuck Berry, Elvis Presley, Jerry Lee Lewis, Eddie Cochran, Buddy Holly, etc. Autant de noms qui évoquent le rock’n'roll dans nombre d’esprits. Mais qui pourrait prétendre, pour autant, préciser dans quel ordre chronologique ces chanteurs hors normes ont marqué l’histoire des Etats-Unis et ont contribué à faire évoluer un courant musical révolutionnaire, porté par la nouvelle classe sociale des teenagers?
L’exposition Rock’n'Roll présentée à la Fondation Cartier pour l’art contemporain permet justement de nous rafraîchir la mémoire, tout en son et lumière!
Elle propose de transporter le visiteur dans l’Amérique de 1939, lorsque le boogie-woogie puis le rhythm and blues sur lequel danse déjà la communauté noire, font leur apparition dans les foyers blancs. Véritables séismes contre lesquels l’establishment musical a tenté de lutter, les préludes du rock’n'roll ont choqué la génération middle class, puritaine, ségrégationniste et conformiste issue des années d’après-guerre.
Mais l’élan du rock’n'roll va entraîner sans voie de retour la jeune génération qui répond à la liberté de ton et l’attitude provocante du King – Elvis Presley.
Le rock’n'roll évolue sous l’influence de la percée d’interprètes noirs, comme Chuck Berry – le seul qui survivra au retour de bâton de la fin des années 1950 -, qui apportent la country des Etats du Sud ou le blues électrique. Sans oublier l’influence des gospels et des grands orchestres de jazz.
Le rock’n'roll offre l’unique opportunité de mélanger les communautés américaines et d’ouvrir les yeux aux WASP sur la valeur de leurs frères noirs. Les photos de Cornell Capa (au sous-sol) dénoncent le ségrégationnisme encore ambiant. L’une d’elles représente des toilettes publiques: une cabane pour les hommes, une pour les femmes, et une pour les « colored« .
L’esprit de liberté et de rébellion de l’Amérique des années 1950 va permettre l’avènement du Civil Rights Movement qui naît en 1955 et aboutit en 1968.
Ainsi, non seulement le rock’n'roll a libéré les Blancs de leur puritanisme et conformisme social – il faut voir la transfiguration de ces demoiselles de bonnes familles pleurant de tout leur corps, s’évanouissant, hurlant, à la vue d’Elvis! Mais il a également permis d’affranchir les Afro-américains de leur esclavage politique, économique et social.
D’où le retour à l’ordre à la fin des années 1950, nombre de maires ou de sénateurs interdisant les concerts de rock’n'roll car « c’était ramener les Blancs au rang des Noirs ».
L’exposition de la Fondation Cartier – vraiment exceptionnelle tant au niveau du contenu que de la scénographie – présente des objets rares. Comme les guitares d’Elvis Presley, de Buddy Holly et de Carl Perkins. Des affiches originales de concert. Une Cadillac – LE symbole de réussite sociale. Des juke-boxes que l’on peut s’amuser à faire fonctionner. De multiples points d’écoute. La reconstitution d’un studio d’enregistrement. Des photos d’époque des plus grands artistes, dont Alfred Wertheimer qui a suivi à ses frais Elvis, Dorothea Lange, Bruce Davidson et Elliott Erwitt.
Mais, elle propose surtout un film d’introduction de Patrick Montgomery et Pamela Page, Rock’n'Roll: The Early Days (1984) qui retrace de manière passionnante les débuts du rock’n'roll. Dans cette salle de projection/exposition (au RDC), chaque visiteur est captivé par le film et ne décolle pas ses fesses d’un iota – si ce n’est pour swinger au rythme des airs entraînants qui sont diffusés. Et ce, jusqu’au générique final…
Cette exposition en appelle à un large public, toute génération confondue, et fait vibrer la part de mutinerie en chacun d’entre nous!
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Texte Lisergid.com
Séance inspiration & respiration graphique lors d'une visite à la Fondation Cartier ce week-end, le fameux bâtiment de Jean Nouvel, pour y découvrir l'exposition ROCK’N’ROLL 39-59.
Cette exposition se déroule donc sur les 3 étages de la fondation. Passons rapidement sur le premier étage, qui vous propose d'acheter tous ce qui a un rapport au mouvement Rock'n'roll et à cette exposition.
Le rez-de-chaussée propose tout d’abord une série de photos intéressantes d'Elvis réalisées par Alfred Wertheimer, qui voyagea avec le King durant l'année 1956.
Puis on retrouve les grands symboles du Rock’n’roll, à savoir la Cadillac, un énorme mur de juke-box, (dont un - fonctionnel et que l'on peut manipuler – reproduisant un son que je trouve simplement fantastique) des revues des années 50, une reconstitution d'un studio d'enregistrement, une collection de radios et de micros. Bref, un court aperçu de l'esprit Rock’n’roll.
Sur ce même niveau est diffusé un documentaire de 50 minutes qui balaye largement le phénomène Rock’n’roll de cette période.
Notez qu'il ne faut pas faire comme notre ami : renseignez-vous sur les horaires de diffusion du film à votre arrivée et visionnez-le en dernier, car ce documentaire - vraiment captivant et entraînant au demeurant - fonctionne mieux en guise de conclusion de la visite.
Le sous-sol prend une autre dimension car il retrace vraiment le mouvement dans le détail.
D'abord, un mur sonore matérialisé par une carte des USA accueille le visiteur de l'exposition. Il permet de découvrir chronologiquement les artistes et leurs créations de manière interactive : on y connecte un casque parmi toutes les entrées jack disponibles, pour entendre les morceaux décrits.
La première partie de cet étage présente le contexte du mouvement, avec des clichés, des couvertures de magazine, de journaux, des vinyles, etc.
Il contient bon nombre d'armoires / tables transparentes à plusieurs étages, renfermant des objets rares, des enregistrements audio & vidéos de mouvement précurseurs au Rock’n’roll.
La seconde partie présente une frise murale chronologique très détaillée, complétée par des points audio, des points vidéo, des objets cultes - vêtements, documents papiers, etc...
D’abondantes bornes audio permettant de découvrir les artistes du mouvement complètent cette partie de la visite.
Tout ou presque a été dit sur cette exposition - et notamment dans les documents relatifs joints à la fin de ce billet. Arrêter la visite du Rock’n’roll en 59 est un choix étrange mais compréhensible, car la vingtaine d'années proposée a été vraiment très prolifique. En ce sens, l'exposition offre énormément de choses et il faut prendre son temps - près de 3h pour ma part - pour faire le "tour" de la question.
En tant que créatif, j'ai vraiment apprécié le foisonnement de couleurs du mouvement à cette époque. On en prend vraiment plein les mirettes.
Mais ce que l'on demande à une exposition de ce type, c'est bien de nous déchiffrer la musique - le son - de l'époque et son évolution.
D'y arriver n'est pas une mince affaire et à titre personnel, je trouve que les commissaires se sont donnés du mal pour arriver à leur fin. On se laisse bien vite prendre au rythme effréné du Rock.
Comme beaucoup, je pense que l’exposition est destinée à un public lambda, sachant apprécier cette musique et curieux de se prendre au jeu et d’en connaître d’avantage. Le spécialiste en quête de détails croustillant sera peut-être déçu de sa visite.
En tous cas, je ne regrette pas mes 7€50…
Si l'exposition vous intéresse, c'est à la Fondation Cartier pour l’art contemporain que ça se passe, 261 boulevard Raspail 75014 PARIS, jusqu'au 28 octobre.
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Article publié sur fr.blogs.dissidenz.com Juin 2007
Objet de méfiance et d’attaques depuis toujours par la société puritaine et conservatrice, le rock’n’roll fait aujourd’hui son entrée au musée à travers la très belle exposition qui vient de s’ouvrir à la Fondation Cartier. Balayant les années capitales d’un mouvement musical et social qui allait changer l’Amérique et le monde, l’exposition brosse tout autant le portrait d’une poignée de musiciens géniaux que celui d’une société en proie à des mutations fondamentales. Des années 40, qui posèrent les bases musicales du mouvement, à la fin des années 50, l’âge d’or, c’est à un grand voyage dans l’Amérique que nous convie l’exposition.
Des premières salles où s’étalent les fétiches d’une imagerie au combien iconique – impressionnante collection de Juke Box d’époque, micros, guitares, tourne-disques, véritable studio d’enregistrement d’époque reconstitué, et même une Cadillac - à la grande fresque murale retraçant l’historique d’une société en plein bouleversement en y mêlant les turpitudes de la vie de certains de ses personnages les plus emblématiques, l’exposition Rock’n’Roll a le mérite de remettre en perspective le seul courant musical en le replaçant au cœur de l’Histoire. Histoire musicale d’abord où l’on voit explicitées les origines fondatrices du courant, du gospel au rythm and blues, mais surtout la grande histoire, celle qui vit débuter la lutte pour les droits civiques, celle de la prise de conscience et de la prise du pouvoir par la jeunesse qui allait mener aux idéaux et aux luttes des années 60 et 70.
Documents rares et fascinants telles ces nombreuses affiches de concert d’époque ou cette incroyable série de photo du King Elvis réalisée en 56 par Alfred Wertheimer dont la plupart sont inédites, la documentation est pléthorique et impressionnante et à elle seule justifierai le voyage au cœur des années 50. Car au delà de l’importance capitale des bouleversements qu’allait engendrer ce courant musical, son imagerie allait elle aussi marquer à jamais l’imaginaire collectif occidental à travers ses canons esthétiques et le destin de ses figures les plus marquantes, de Body Holly à Elvis Presley, King au cœur de l’exposition et dont on « célèbre » cette année le trentième anniversaire de la mort.
Olivier Gonord.
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